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Festen

Festen, ou le vice sous la carapace dorée

Vingt ans. C'est l'ellipse temporelle nécessitée avant que Cyril Teste, metteur en scène de "Festen" ne s'empare du célèbre film danois éponyme réalisé par Thomas Vinterberg et Morgens Rukov en 1998.


Le règne du faux

Rideaux fermés, la scène se dévoile peu à peu, offrant au spectateur un décor digne de film hollywoodien. Dans cette ambiance sophistiquée et bourgeoise, tout a été pensé : de la position des verres à pied sur la table à celle du lustre, surplombant la scène. Durant presque deux heures, nous assistons à un anniversaire chic mais atypique : celui d'Helge Hansen, soixante ans tout juste. Pour l'occasion, toute sa famille est réunie : Michaël, son aîné, Hélène, la sœur, et Christian, le benjamin, ainsi que des amis. Tous ont sorti leurs plus beaux habits pour célébrer cela.

L'hypocrisie règne en maître de cérémonie et les carapaces de vêtements haute couture ne dissimulent pas tout. Tous sont liés par des relations consolidées à la rancœur, la haine et la violence. Et la richesse ne peut effacer la tragédie qui les lie : Linda, jumelle de Christian qui s'est suicidée dans sa baignoire, ici même, un an plus tôt. En sa mémoire, Christian a prévu un petit discours, à la plus grande fierté de son père.

Le spectateur en personnage omniscient

Nous voyons double : d'une part la scène en direct, sous nos yeux, et d'autre, celle retransmise par un duo de caméramans qui nous offrent les coulisses, les détails, les expressions les plus intimes des personnages. Une performance filmique en direct où nous découvrons une famille parfaite à qui tout réussit, des enfants avec un avenir brillant et une seule ombre au tableau : la mort de Linda. Elle hante l'image retransmise par les caméras, occupe les esprits, est omniprésente. Le secret bien gardé d'un père violant ses propres enfants éclate enfin et Helge est démasqué. Un secret mortel, intime, caché dans une maison aux allures de monastère.

Matthias Labelle est poignant dans le rôle de Christian, menant l'intrigue avec brio. Il incarne avec une immense sensibilité un garçon détruit par son propre père, accablé de la mort de sa sœur et incompris de sa famille lorsqu'il dénonce enfin les viols qu'il a subi. A la fois torturé et fou, il passe d'un homme parfaitement rangé dans la société à un petit garçon qui souffre et ne trouve plus sa place. Toute la famille va subir les conséquences de ce secret trop bien gardé.

Face à lui, Hervé Blanc, en père névrosé coupable. Il joue la carte de la neutralité, n'admet rien, reste dans le secret. La stoïcité de ce comédien est impressionnante et son aplomb est inégalable. Au service de l'hypocrisie, il sacrifie sa famille pour sauver son honneur égoiste.

Un double deuil

Le scénario est à double tranchant : le deuil est omniprésent. Celui de Linda, certes, mais aussi celui que font les enfants d'Helge qui n'est désormais plus digne d'être reconnu comme leur père. Helge à son tour prend conscience que ses soixante ans ont posé un voile sur son existence, hantée par ses agissements, la culpabilité d'avoir brisé sa propre famille et le regret qu'il ne verra plus jamais ses enfants.

La mise en scène de Cyril Teste ne passe plus dans les théâtres et Scènes Nationales, mais le film qui en est à l’origine est disponible en streaming.

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